Le thème de la modération dans la pratique traverse la littérature islamique depuis l’origine. Dans le Coran et dans les traditions prophétiques qui l’accompagnent, les musulmanes et les musulmans sont appelés à faire preuve de modération dans tous les domaines de la pratique. « Dieu veut pour vous la facilité et non la difficulté » rappelle le Coran et Muhammad (PBSL) affirme « Facilitez les choses, ne les rendez point difficiles » et il donnait lui-même l’exemple en choisissant les allégements (comme de ne pas jeûner le ramadan en voyage) pour que les fidèles ne tombent pas dans l’excès. C’est ainsi que, dès l’origine, la majorité des savants ont compris la formule coranique qualifiant les musulmans de « la communauté du juste milieu ». Très tôt, il est apparu deux tendances dans la nature de la pratique : ceux qui appliquaient les enseignements à la lettre sans tenir compte du contexte ou des allégements (ahl al-‘azîma) et ceux (ahl ar-rukhas) qui tenaient compte de ces derniers et de la flexibilité de la pratique selon le contexte social et l’époque et en situation de besoin (hâja) et/ou de nécessité (darûra). L’immense majorité des savants (ulamâ) et des musulmans à travers le monde ou en Occident (quelles que soient les traditions chiites ou sunnites et les écoles de droit) promeuvent et suivent la voie de la modération et de la flexibilité dans la pratique. Ils restent stricts sur les principes fondamentaux mais proposent des adaptations selon l’environnement et l’époque. Sans doute est-ce déjà à ce premier niveau qu’opère un premier malentendu sur la notion de modération. Dans les sociétés occidentales où la pratique et la visibilité quotidiennes de la religion sont quasiment absentes (même aux Etats-Unis où la référence religieuse est plus présente), le fait de parler de prière, de jeûne, d’obligations morales et vestimentaires liées à la religion semble déjà presque excessif. Les musulmans modérés seraient donc ceux qui ne manifestent pas de distinction vestimentaire, qui boivent de l’alcool ou qui pratiquent leur religion « comme nous la nôtre », c’est-à-dire plus vraiment ou en tout cas de façon invisible. Les histoires et les références ne sont pas les mêmes et la notion de modération est toujours à considérer de l’intérieur de chaque univers de référence.
On peut en Occident décider que les musulmans modérés sont ceux qui sont invisibles, ou ceux qui nous ressemblent, ou encore ceux qui acceptent les termes de leur domination. De tels raisonnements et conclusions ne permettront pourtant pas de comprendre les dynamiques qui traversent les sociétés majoritairement musulmanes et les communautés établies en Occident. Or celles-ci sont multiples et complexes : il existe un débat strictement religieux (en terme de philosophie du droit islamique et de ses fondements) sur la notion de modération (wasatiyya) qu’il est important d’appréhender dans toute son envergure. Il permet de mieux comprendre les enjeux des débats intracommunautaires entre les différentes tendances et les dispositions exclusivistes et parfois dogmatiques au sein des courants apparemment les plus ouverts. Cette approche permet d’aborder les questions politiques avec moins de parti pris et/ou de naïveté. Une fois condamnés les groupes extrémistes violents qui tuent les civils et les innocents, il convient de contextualiser les positions politiques afin de ne pas simplifier la grille d’analyse avec des conclusions du type : les « modérés » sont ceux qui nous soutiennent ou nous ressemblent et les autres sont des fondamentalistes ou des islamistes extrémistes. Ces considérations sont idéologiques et entretiennent des confusions qui ne permettent pas d’appréhender la nature des enjeux d’abord essentiellement politiques et économiques. C’est bien ce que cache la rhétorique du « conflit des civilisations » qui oppose en termes religieux et culturels des entités construites qui ne traduisent en rien les aspirations de justice et de liberté qui s’expriment dans les deux univers de référence. C’est en ce sens que la voix de ceux qui défendent avec force la modération religieuse (qui représente nous l’avons dit l’immense majorité des musulmans) doit se faire entendre de façon plus « radicale » afin de traduire en des termes adéquats la similarité des valeurs éthiques mais aussi la nature des rapports de force politiques et économiques profondément dissymétriques. Il importe que ces voix se fassent entendre et expriment que la modération religieuse, d’une part, peut se marier avec la radicalité d’un discours politique, non violent et démocrate, opposé à la domination, à l’exploitation et à l’oppression sous toutes ses formes.
Qui sont les musulmans modérés ?
On the Swiss Minaret issue: http://baytunur.blogspot.com/2010/03/tariq-ramadan-swiss-minaret-issue.html
BIOGRAPHY:
Tariq Ramadan, a Swiss citizen, is professor of contemporary Islamic studies at Oxford University . His most recent book is What I Believe published by OUP.
Ramadan has written more than 700 articles and some twenty books, including: To Be a European Muslim (2003); Western Muslims and the Future of Islam (2005); In the Footsteps of the Prophet: Lessons from the Life of Muhammad (2007); and Radical Reform: Islamic Ethics and Liberation (2008). In addition, he has recorded at least 170 lectures, many of which have become popular among Muslim youths in Europe and elsewhere. Ramadan serves as an adviser on religious issues for the European Union.
Ramadan's maternal grandfather was Hasan al-Banna, who in 1928 founded the Muslim Brotherhood. Ramadan's father, Said Ramadan, led the Brotherhood throughout the 1950s and then was exiled from
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